Grand-Bourg de Marie-Galante. Mercredi 25 Janvier 2017. CCN. La Communauté de Communes de Marie-Galante dénonce la stratégie de désinformation mise en place par la préfecture de Guadeloupe pour imposer la mise en oeuvre de l’usine thermique d’Albioma
En ma qualité de Présidente de la Communauté de Communes de Marie-Galante (CCMG) je dénonce par la présente la tentative d’intimidation engagée par la préfecture de Guadeloupe, affirmant que l’État a pris une décision ferme en imposant au peuple de Marie-Galante l’usine thermique portée par la multinationale Albioma – une centrale extrêmement coûteuse, polluante et qui condamne la filière canne en fonctionnant à partir de bois importé – chantage intolérable et infondé, la CCMG étant en lien direct avec le cabinet ministériel de Madame Ségolène Royal qui soutient l’autonomie énergétique de Marie-Galante puisqu’il a fait ce projet lauréat de son appel à projet pour les territoires durables.
En tant que Présidente de la Communauté de Communes de Marie-Galante (CCMG) c’est avec responsabilité et transparence que je lance aujourd’hui une alerte pour la défense de l’environnement de l’île – préoccupation vraisemblablement ignorée par la préfecture de Guadeloupe qui tente d’intimider ma circonscription pour imposer le projet d’usine thermique d’Albioma satisfaisant uniquement à des intérêts privés – et pour rétablir la vérité sur un projet qui fait encore l’objet de discussions avec l’Etat représenté par le Ministère de l’Environnement, de l’Énergie et de la Mer.
En effet, je rentre de Métropole suite à un déplacement motivé par un rendez-vous organisé vendredi dernier, le 20 janvier 2017, au cabinet du Ministère de l’Environnement, de l’Énergie et de la Mer. Reçue par quatre Conseillers de Madame Ségolène Royal, j’ai pu exposer le programme de développement territorial Marie-Galante Ile Durable ainsi que les enjeux liés à la mise en oeuvre d’une centrale thermique pour la sucrerie de Marie-Galante, les motifs du refus de la CCMG du projet porté par Albioma et les éléments de son projet alternatif de centrale thermique.
Or, j’apprends avec stupéfaction dès le lendemain les déclarations de Monsieur Jean-Michel Jumez, sous-préfet de la Guadeloupe, affirmant que l’État a tranché dès le 13 janvier 2017 en faveur du projet d’usine thermique de 10,5 MW porté par Albioma. Je m’inscris en faux contre ces propos qui contredisent totalement la teneur de mes entretiens avec le cabinet de Madame la Ministre de l’Environnement. De surcroît, présenter le projet alternatif de centrale thermique soutenu par la CCMG comme un concept alors qu’il est porté par la CNR, premier opérateur français d’énergie renouvelable, manque pour le moins de réalisme et démontre un parti pris flagrant.
Pourquoi, alors que cette décision de l’Etat est soi-disant actée depuis le 13 janvier, une telle précipitation de la préfecture dès le lendemain de mon rendez-vous avec le Ministère de l’Environnement ?
Cette stratégie de précipitation n’a qu’une seule motivation ; rassurer Albioma, société qui a l’habitude de manier les contre-vérités et les intimidations dès que le dossier leur échappe, comme cela a pu être observé en Martinique où un projet similaire provoque de forts mouvements citoyens.
Pour ma part, j’ai toujours agi dans la transparence pour le bénéfice des populations de Marie-Galante. C’est pourquoi le 7 décembre 2016, la CCMG que je représentais aux côtés de Monsieur le Sénateur Jacques Cornano, présentait en réunion publique le projet alternatif de centrale thermique, fonctionnant à 100% à partir de bagasse locale uniquement pour les besoins de l’usine sucrière et de l’île, en remplacement du projet d’Albioma, d’une échelle deux fois supérieure et fonctionnant à 80% à partir de bois importé du Brésil et/ou d’Amérique du Nord, polluant le territoire marie-galantais pour produire une énergie destinée majoritairement au réseau électrique de Guadeloupe.
Je suis convaincue de la qualité du projet alternatif que je défends et je demande donc aux représentants locaux de l’État de faire preuve de la neutralité dont il ne devrait pas se départir en prenant les dispositions suivantes. D’une part, je demande la signature de la convention de la sucrerie en excluant la mention du projet d’énergie thermique d’Albioma qui ne doit pas être une condition au versement des aides d’État à la filière canne puisque ces deux éléments ne sont aucunement liés, cette stratégie visant exclusivement à prendre en otage les planteurs de Marie-Galante dans un chantage qui ne devrait pas les affecter. D’autre part, je demande la suspension du projet Albioma et l’audit impartial des deux projets concurrents, le projet d’Albioma et le projet alternatif porté par la CCMG, selon les critères internationaux du développement durable, c’est-à-dire sur des critères environnementaux, sociaux et économiques. Si les dirigeants d’Albioma sont convaincus de la pertinence de leur projet au regard de ces critères d’évaluation ils n’ont aucune raison de se dérober et de continuer leurs manoeuvres visant à imposer leur projet à nos populations. Seule une décision issue de cet audit pourra être considérée comme juste.
En toute transparence, la CCMG que je représente réaffirme haut et fort son refus du projet Albioma, motivé par la crainte d’une usine de cette envergure pour l’environnement de Marie-Galante. La politique de communication d’Albioma met en effet sous silence de nombreux points noirs de son projet. D’une part, en faisant fonctionner l’usine thermique à partir de bois, ce seraient plus de 46 000 tonnes de bois qui transiteraient chaque année sur notre île, pour un coût de 8 à 9 millions d’euros par an. Cet argent, non réinjecté dans le circuit local puisqu’il finance du bois importé plutôt que la bagasse locale, aurait donc pour conséquence la circulation en continu de camions transportant ce bois, issu de forêts du Brésil ou d’Amérique du Nord, jusqu’à l’usine sucrière. Par ailleurs, par son échelle de 10,5 MW, le projet représente un risque majeur de pollutions de l’air, par des rejets massifs, toute l’année durant, de CO2, d’oxydes de soufre, d’oxydes d’azote et de particules fines et très fines. Autant de menaces à la préservation de notre écosystème, à l’attractivité touristique de l’île mais aussi et surtout à la santé de notre population.
À l’inverse, le projet alternatif soutenu par la CCMG ne sera en pleine exploitation que pendant la campagne sucrière et comporte un dimensionnement bien plus adapté à Marie-Galante c’est-à-dire 4,5 MW, dont 3 MW seront consommés par l’usine et 1,5 MW consommé par Marie-Galante. Ce projet valorise à 100% la biomasse locale et pourrait être en service dès 2020, soit la même date évoquée par Albioma pour son projet, afin de ne pas handicaper la filière canne de l’île.
Si Albioma prend en otage la filière canne à Marie-Galante, sa communication ne met pas en avant le coût exorbitant de son projet de 80 millions d’euros ni le fait que les 8 à 9 millions d’euros par an d’importations de bois seraient financés par la CSPE (Contribution au Service Public de l’Électricité), contribution acquittée par tous les consommateurs français sur leur facture d’électricité – au détriment de l’objectif initial de ce dispositif qui doit favoriser l’autonomie énergétique des îles par les énergies renouvelables, où elles sont les plus compétitives. De plus, il est à noter que ce projet est mené en partenariat avec la COFEPP/groupe La Martiniquaise – premier groupe français de spiritueux avec 900
millions d’euros de chiffre d’affaires – qui possède l’usine de sucre de Marie-Galante via sa filiale SRMG (Sucre et Rhumerie de Marie-Galante) sur laquelle s’adosse le projet d’Albioma. La COFEPP, propriétaire de l’usine de sucre, est directement intéressée par la mise en oeuvre de ce projet d’usine thermique puisqu’elle possède également 30% des parts de cette unité de production d’énergie Albioma (20% directement par la COFEPP, 10% par la SRMG). Il me semble ainsi éthiquement discutable de prendre en otage les planteurs de Marie-Galante, pour imposer un projet en toute contradiction avec l’intérêt général et dont le financement repose pourtant sur l’argent issu du contribuable, avec pour finalité l’enrichissement d’Albioma et de la COFEPP, deux multinationales affichant des chiffres d’affaires dépassant 8 chiffres.
Les peuples d’Outre-Mer, de Martinique, Guadeloupe et Marie-Galante ne sauront être dupés par ces stratégies de chantage au détriment de leur développement territorial et de la préservation de leur environnement. Toute la Communauté de Communes de Marie-Galante réaffirme sa position et ne se laissera pas intimider par la désinformation orchestrée par la préfecture. La CCMG ne peut soutenir qu’un projet prenant en considération l’intérêt général de la population de Marie-Galante et non des impératifs financiers dictés par de puissants groupes tentant par-là de faire plier les collectivités locales.
Source: Dr Maryse ETZOL,
Présidente de la Communauté de Communes de Marie-Galante
Maire de Grand-Bourg
Conseillère Départementale de la Guadeloupe