© NOUVELLE Semaine. N291 – du 22 au 28 Janvier 2016
Marie-Galante laboratoire du développement ?
Lors de leur première sortie officielle à Marie-Galante, les élus régionaux ont clairement désigné les îles du Sud, et en premier lieu Marie-Galante, comme les têtes de pont d’un développement pour tout l’archipel guadeloupéen. Les petits territoires étant des lieux d’expérimentation par excellence et des réservoirs de créativité pour tout le territoire.
Marie-Galante, à l’instar des trois autres îles du Sud, la Désirade, Terre-de-Haut et Terre-de-Bas, souffre de sa double insularité et des avatars d’une organisation économique basée sur l’agriculture, particulièrement sur la canne. Des récoltes cannières en baisse régulière, ajouté aux éternelles difficultés de l’unité sucrière, une production agricole qui perd en rendement, l’exode des populations… Marie-Galante cumule les difficultés alors que l’île présente un extraordinaire potentiel en matière de tourisme.
Continuité territoriale
Ce secteur demeurera sans aucun doute le moteur du décollage économique, grâce à des arguments imparables, comme la qualité de l’environnement ou l’existence d’un patrimoine tant matériel qu’immatériel. L’île, située à seulement une trentaine de kilomètres de Pointe-à-Pitre se vide de ses forces vives en quête d’activités et Marie-Galante, qui a compté jusqu’à 30 000 habitants, n’abrite plus que 11 000 âmes. Une hémorragie due certes à l’absence de perspectives pour la jeunesse en matière d’emplois, mais aussi à des coûts de transport encore très lourds pour les familles qui ne peuvent envisager de trajets quotidiens entre la Guadeloupe et Marie-Galante. Pourtant, il faut à peu près la même durée pour se rendre à Grand-Bourg depuis Pointe-à-Pitre que pour aller à Saint-François ou Sainte-Rose, soit à peine 40 minutes. Mais il en coûte en moyenne 43 euros pour un passager normal empruntant les navettes maritimes, et un peu moins de la moitié pour les “ résidents ”, autrement dit les personnes pouvant prouver qu’elles demeurent sur l’île. Une domiciliation parfois compliquée à prouver, et qui génère des contrôles supplémentaires pour les compagnies de transport.
Le tourisme comme moteur
Or le maintien à Marie-Galante d’une population résidente, comme le développement d’un tourisme de locaux, passe obligatoirement par une révision des soutiens pour le transport et de la notion de continuité territoriale. L’allégement des charges de transport demeure en effet la clef pour une redynamisation de l’économie locale. Un coût de transport plus bas rendra forcément plus attractive la destination et encouragera aussi les résidents à ne plus quitter l’île si les déplacements quotidiens deviennent financièrement supportables. C’est en tout cas un des premiers paramètres avancés par les élus de l’île pour la relance d’un tourisme durable. Le développement futur de Marie-Galante est en grande partie tributaire d’un secteur touristique en pleine croissance, et les dessertes maritimes et aériennes doivent faire partie des priorités des pouvoirs publics et singulièrement de l’assemblée régionale. Ainsi le port de Saint-Louis, en plus de ses activités traditionnelles, pourrait devenir à terme une halte recherchée pour la plaisance haut de gamme, le site de Folle-Anse offrant un mouillage exceptionnel pour les bateaux de croisière ou les yachts. La forte activité qui sera générée sur les deux principaux ports de l’île justifierait par ailleurs la mise en place de formations liées à la mer dans un lycée dédié sur place, ou en relation avec un établissement en Guadeloupe. Car la création d’un établissement de plein exercice uniquement pour Marie-Galante doit être examinée au regard des objectifs attendus, et une solution originale utilisant un navire école pour la formation n’est pas à exclure. Une telle option permettrait d’y adjoindre une dimension tourisme et coopération régionale en rendant plus simple la découverte des autres régions de la Caraïbe. Ce tourisme marie-galantais suppose aussi le soutien de l’hôtellerie locale et la labellisation d’un hébergement qui répondrait à des critères de durabilité, c’est-à-dire en phase avec une politique de protection et de valorisation patrimoine de l’île.
Garantir l’indépendance énergétique
La production locale, particulièrement agricole est le corollaire naturel de ce parti pris économique. Longtemps un des greniers de la Guadeloupe, Marie-Galante a perdu de sa capacité de production, essentiellement à cause de l’exode de la main-d’oeuvre consécutive à la baisse de la production cannière. Mais les exploitations ont aussi souffert de la sécheresse, en l’absence de structuration d’un réseau d’eau agricole indépendant de la nappe phréatique utilisée pour l’eau potable. Plusieurs solutions sont désormais envisagées, à la fois réactiver les retenues d’eau, remettre en place des dispositifs alternatifs comme les systèmes et prévoir les solutions de secours avec la mise en place d’une unité de dessalement d’eau de mer. Des initiatives destinées à relancer le secteur agricole, mais aussi l’agro transformation encore vivace, en tenant compte de la nécessaire protection des espaces naturels et de la biodiversité, l’urgence du changement climatique imposant de nouvelles logiques d’aménagement pour protéger le littoral et sauvegarder les paysages. Autre objectif important pour tous les acteurs publics et privés de l’île, garantir l’indépendance énergétique en encourageant le recours aux énergies nouvelles. Le solaire et l’éolien contribuent déjà pour partie à la fourniture d’électricité, mais la future unité bagasse-bois accolée à l’usine sucrière de Grand-Bourg devrait permettre de couvrir les besoins de Marie-Galante et ouvrir la voie à d’autres activités gourmandes en énergie. Certaines des solutions trouvées à Marie-Galante seront forcément transposables à tout l’archipel guadeloupéen, un challenge ambitieux que les élus marie-galantais veulent désormais relever.
Jacques Dancale