© NOUVELLE Semaine. N291 – du 22 au 28 Janvier 2016
Terre-de-Bas : la résistance économique au quotidien
Partie intégrante de l’archipel des Saintes, Terre-de-Bas aurait pu, à première vue, souffrir de l’exposition touristique majeure de sa “petite”soeur (Terre-de-Haut, 500 ha, reste loin des 950 ha de sa voisine !). Mais l’activisme entrepreneurial de son millier dépassé d’habitants et ses nombreux atouts environnementaux démentent cette impression première…
“Les Saintois résidant à Terre-de-Bas sont viscéralement attachés à leur terroir. Ils en sont fiers, malgré les difficultés de toutes sortes.” Le ton est donné par Emmanuel Duval, l’actuel maire de Terre-de-Bas. Pas question de douter de la farouche volonté, manifestée de longue mémoire par ses habitants, de défendre les atouts de leur île (ses plages, ses pistes de randonnées, ses sites de plongée, son patrimoine cultuel, sa gastronomie…), d’en vanter le calme, la sérénité même qu’elle génère, et le sentiment de sécurité évident qui y règne. Tout en évoquant, tout de même, quelques rancoeurs passées.
Des contraintes nombreuses
Aux yeux des Saintois de l’île, le sentiment de demeurer “les parents pauvres” de l’archipel est bien présent. S’agissant d’un budget municipal historiquement “contraint”, le chef d’édilité confirme : “En fin de mandature, pour nous éviter de quémander, l’exécutif régional sortant a multiplié des réunions et après analyse des handicaps de l’île, a instauré le C2DT.” Un contrat d’engagement vital pour l’île, signé par l’ancien exécutif régional à hauteur de 2,4 M€ – soit 500 000 € par an – censé “servir de guide pour les 5 ans à venir.” De la gouvernance régionale nouvelle, le maire de Terre-de-Bas affirme d’emblée attendre beaucoup, “afin de jeter les bases de ce nouveau regard qu’elle affiche à l’égard des îles du Sud. Et envisager, pourquoi pas, une réunion de la commission permanente à Terre-de-Bas, afin de constater de visu nos problématiques et apporter des solutions durables.” Le temps est enfin venu, se réjouit-il, d’en finir avec la triste époque de “la quasi indifférence des politiques, qui ne voyaient en nous que des porteurs et réservoirs de voix.”
Des voies de développement identifiées
La triple insularité est, à l’évidence, le principal choc de compétitivité à surmonter pour Terre-de-Bas. Un terroir sinon oublié, en tout cas largement méconnu, y compris par les Guadeloupéens “continentaux” eux-mêmes. “Nous faisons un gros travail de communication pour changer la donne”, concède Emmanuel Duval. La gouvernance municipale a identifié les pistes de développement à emprunter pour le proche avenir : réguler le transport maritime en partance de Trois-Rivières et de Basse-Terre, améliorer la desserte inter-îles, baisser le coût du transport, réhabiliter la seule entrée sur l’île : le port de l’Anse des Mûriers… Même si, reconnaît-elle, côté tourisme, voie royale de développement attendue, “nous profitons de l’aura et de l’attrait qu’exerce l’île soeur et nous avons chaque jour des dizaines de visiteurs qui débarquent sur notre commune”, la conjoncture économique globale reste difficile. Fidèle à son implication agricole traditionnelle, eu égard à un sol moins aride que dans l’île voisine, Terre-de-Bas a résolument “fait le pari de l’écodéveloppement durable”. En témoignent son jardin pédagogique, exemplaire en matière d’agro-transformation, et une unité de fabrication d’huile essentielle de Bois d’Inde “réputée dans la Caraïbe pour la pureté de son huile.” Côté pêche, secteur pourtant consubstantiellement associé au savoir-faire saintois, seuls s’activent encore en mer une vingtaine de marins déclarés et une dizaine d’occasionnels. Les carences d’infrastructures dédiées sont, il est vrai, nombreuses : sans port de pêche, maison de pêcheurs, ni chambre froide pour la conservation du poisson, sans point d’eau ni d’accastillage et sans réparateurs, difficile de susciter les jeunes vocations. Au plan de l’artisanat local, l’implication est encore moindre, uniquement centrée sur la fabrication de salakos (chapeaux traditionnels) saintois et de nasses en bambou. L’avenir, côté culture, vient aussi d’initiatives privées, telle celle d’un enfant du pays (Pierre Sainte-Luce), devenu propriétaire de l’ancienne poterie Fidelin, en bordure de la Grande Baie, pour réhabiliter la structure, en faire une résidence d’artistes, d’organisation de colloques, et proposer, à terme, “des visites guidées avec une nouvelle navette reliant les deux îles.”
Mobilisation solidaire
En économie contrainte, commerçants et artisans locaux voient leur esprit natif de résistance fortement sollicitée, surtout depuis l’invasive et récurrente présence des sargasses sur leurs côtes. “Ces algues ont impacté les restaurateurs et riverains. Nous avons été entendus par les pouvoirs publics. Nous avons bénéficié de l’aide de l’État et de la Région. Cette aide nous a permis d’acquérir du matériel et avec l’aide des 6 brigades sargasses. Nous sommes sur la plage tous les jours, pour le grand bien des restaurateurs qui ont repris leurs activités”, scande le maire de l’île, certain de l’implication de ses administrés, mais résolu à faire appel aux ressources solidaires de la puissance publique locale : “je demande à ce que Terre-de-Bas soit déclarée zone franche de toutes activités”, avec en prime, la présence “d’un guichet unique sur place” pour “trouver des solutions pérennes” aux problématiques récurrentes de l’île. Dont celles qui concernent l’alimentation en eau (quel “encouragement public à la fabrication ou à l’achat de citernes” ?) ou la gestion de ses déchets : “Terre-de-Bas est la seule commune de la Communauté d’agglomération du Sud Basse-Terre qui ne possède pas de station d’épuration et de quai de transfert pour ses ordures ménagères”. Comment, sur place, parler de développement économique sans un minimum d’infrastructures ? La réponse (en forme de voeu pieux ?) d’Emmanuel Duval : “Compte tenu des retards accumulés et de la situation financière de l’île, la Région devrait prendre à sa charge (maîtrise d’oeuvre et d’ouvrage) toutes les infrastructures sur l’île.”
Daniel Rollé